Pour une agriculture durable et une PAC humaine : conférence de José Bové

Dans le cadre de Nourrir Liège 2017  la Maison des Sciences de l’Homme et l’ULg 200 ont organisé, le 22 mars, une conférence avec comme intervenant principal José Bové   autour du thème « Pour une agriculture durable et une PAC humaine ». La rencontre a attiré les foules, la salle de 500 places était complète !

La rencontre était organisée en trois temps. Tout d’abord, José Bové, sur base de quelques événements passés a prouvé et relaté la nécessité de résister au modèle actuel ; ensuite trois agriculteurs et un étudiant en agroécologie (Gembloux Agro Bio Tech) ont pu poser une question au parlementaire en relation avec la PAC ; et dans la troisième partie il a été questionné par David Leloup, célèbre journaliste d’investigation. En fin de conférence, le public a été entendu et a pu poser ses questions et laisser entendre ses inquiétudes au sujet de notre agriculture.

José Bové, ancien syndicaliste et paysan, et désormais député au Parlement Européen, est connu pour ses combats et ses luttes qui l’ont amenés à plusieurs reprises en prison (« Quand on commence un combat, il se peut qu’on doive sortir de la légalité »). Le conférencier a expliqué à l’audience son parcours et sa démarche de mobilisation, la raison de son implication au sein du Parlement Européen. Ayant toujours été actif dans la lutte, la mobilisation et le mouvement social, il était nécessaire pour lui de « continuer la bataille de l’intérieur ».

En reprenant l’exemple du poulet congelé aux hormones importé au Burkina Faso dans les années 90, José Bové illustre plusieurs points : l’aberration que peut représenter la mondialisation et le libre-échange en faisant fermer des exploitations locales ; les problèmes de santé publique que cela peut amener ; et la lutte citoyenne qui peut faire plier même de grosses entreprises. C’est ce qu’a voulu démontrer José Bové par cet exemple, grâce au mouvement social et citoyen très fort qui s’est développé, le Burkina Faso a su empêcher l’importation du poulet congelé aux hormones provenant d’Occident. Le pays produit dorénavant le poulet qui y est consommé et non seulement n’en importe plus mais est aussi maintenant en capacité de l’exporter.

Évidemment toujours d’actualité, le débat autour de Monsanto et du glyphosate a été abordé, surtout autour des raisons de la non-interdiction par les instances européennes du Roundup. En effet, malgré la désormais certitude des effets néfastes que représente ce produit et la preuve que Monsanto en avait connaissance depuis 1999 (mais a pris la décision de ne pas publier les résultats le prouvant),  l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) refuse toujours d’interdire le glyphosate.

La deuxième partie s’est concentrée autour de la PAC (Politique Agricole Commune). José Bové a pu donner son avis quant à celle-ci, et sa vision pour le futur. Selon lui, dès le départ, les objectifs de la PAC n’ont pas été respectés et il n’attend pas mieux de la PAC 2020. Il faut dès lors que les agriculteurs trouvent des alternatives en termes de production, mais aussi de commercialisation, car il soutient que la solution ne viendra pas de l’Europe dans les années à venir.  Il a rappelé également que la PAC  ne concerne pas que les agriculteurs, le contribuable a également un rôle à jouer car environ 100 € de chaque contribuable en Europe sert à financer cette PAC, dans cette optique il a le droit de refuser l’allocation qu’en fait l’Europe.

José Bové a rappelé que la mobilisation en défaveur du CETA  n’était pas terminée, tant que le CETA n’aura pas été ratifié il y a lieu de se battre. Car si celui-ci est ratifié, il mènera à la fermeture certaine de centaines de petites exploitations européennes. Il ne faut pas oublier que l’indice des prix, de la viande notamment, est fixé par les prix mondiaux depuis l’existence de l’OMC. C’est donc certain que les petites exploitations ne seront pas capables de rivaliser au niveau des prix.

Il  a ensuite évoqué sa « ferme idéale », qui s’apparente plus aux fermes « du passé », c’est-à-dire qu’il nous rappelle qu’auparavant les exploitations étaient beaucoup plus autonomes, notamment au niveau énergétique. Mais il ne prône  pas pour autant un retour en arrière. Le mot clé de cette ferme idéale serait l’autonomie : pouvoir produire sans devoir acheter. Mais également une ferme à taille cohérente, qui travaille et transforme ses produits afin d’en dégager de la valeur ajoutée et qui ne serait pas victime de la mécanisation.

Vient ensuite la question des perturbateurs endocriniens, ceux-ci viennent majoritairement de notre alimentation, bien qu’ils soient présents partout. Malheureusement, ici encore, les lobbys font pression et aucun accord n’a encore été trouvé sur une définition de ces perturbateurs endocriniens. Sans définition il est évidemment impossible de les réguler.

Tout au long de la conférence, il a appelé à plusieurs reprises les liégeois, les wallons, les belges, à se faire entendre, à continuer à faire pression. C’est un des messages clé qui ressort de cette conférence: il est nécessaire de lutter, de ne pas baisser les bras. Il ne faut pas tomber dans un fatalisme ; il est possible de lutter contre les grosses industries et les lobbyistes. Si l’on n’agit pas à son échelle, on devient complice. Tous ces sujets abordés sont des questions de santé publique, ils concernent tout le monde.

Nous avons pu remarquer un grand engouement et intérêt des citoyens lors de cette soirée. On peut voir qu’aujourd’hui, le monde de l’agriculture souhaite rencontrer à nouveau les intérêts de la société civile et inversement. Nourrir Liège était l’occasion pour tous les acteurs du système agricole et alimentaire de se rencontrer.

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